WEMBO est un groupe de clubs et de promoteurs de VTT du monde entier possédant une vaste expérience dans l’organisation de courses de VTT de 24 heures. Patrick, membre du club, s’est trouvé une passion pour ce genre d’effort extrême. Après un ‘échauffement’ réalisé lors des 24h du Luberon à Pierrevert en mai dernier où il glana une belle médaille de bronze, le voila parti à Maçao, au Portugal pour les championnats d’Europe en ce week-end du 8 et 9 juillet ! Retour sur un long week-end.
Rédacteur : Patrick
Le contexte
Cette année j’ai un peu laissé tombé l’itinérance, toujours plein de projets en tête, au profit du retour à la compétition : aux courses de 24h. J’ai la chance d’être en congés, de pouvoir passer tout le temps nécessaire à rouler, seul ou en duo.
L’arrivée du gravel dans ma vie a changé un peu le terrain d’entrainement, j’ai enfin trouvé un vélo sauvage, qui me permet de partir de rouler suffisamment longtemps pour faire du Km et surtout du temps sur la selle. Je n’ai pas changé mon profil d’entrainement : d’abord de la fréquence et après du long (pour moi).
Les récents changements dans ma vie (l’arrivée du merveilleux BH evo) sont mis à profit pour un seul objectif : le podium aux championnat d’Europe, j’ai nommé WEMBO european championship.
J’avais comme jalon les 24h du Luberon, me tester, rouler longtemps. Contrat rempli avec une belle 3ème place ! L’année commence fort, surtout bien accompagné par ce merveilleux VTT.
Donc fin d’entrainement le dimanche précédent (en agréable compagnie, je dois avouer) et préparation du voyage jusqu’à Maçao au Portugal.
L’arrivée à Maçao
Le camion est plein comme un œuf, car je dois faire ensuite un peu d’itinérance en Espagne (normalement). Arrivé jeudi sur place, je découvre une petite ville qui ressemble presque à mon village d’enfance. C’est petit, calme, ça sent la campagne, l’eucalyptus. Les gens sont cool, j’adore ! C’est la ville no stress par excellence.
Je profite du temps dispo pour reconnaître le circuit, aïe !!! Il est annoncé pour 10km et « seulement » 130m de D+ donc sur le papier c’est facile. Sur le papier !!!! En fait les traces sont d’anciens chemins, nettoyés pour la course. Le travail et sa qualité sont impressionnants, par contre poussière et cailloux sont les seuls végétaux que je rencontre sur 70% du parcours. Ce circuit facile est trompeur, il est exigeant, nécessite d’être toujours en prise, offrant de très courtes phases de repos. Pas de DH style LUB, pas de « tregastel » (grosse côte des 24h du LUB) à gravir / descendre : une patate en ville, une courte montée, quelques légers coup de cul, pas de quoi faire la différence ou combler un retard par rapport aux rouleurs. J’ai l’impression d’être un grimpeur dans une étape du tour de France dans les Landes… Constat partagé par Enrico Lombardi un de mes concurrents directs, le pauvre il est en semi rigide et je pense qu’il a déjà compris que c’est une erreur.
Je croise Russel Baker, le boss du WEMBO; petit blabla, cool je parle encore bien anglais, il a l’air de me comprendre ! Il fait l’amer constat que, depuis le COVID et l’augmentation des prix, les gens se déplacent moins et il pense que l’Europe et sa position centrale permet d’organiser les mondiaux de façon plus sereine, sauf bien sûr les pays limitrophes avec la Russie qui ont décliné l’organisation d’une future course. Ca laisserait une belle place pour une belle épreuve française… Je lui confirme que je ne serai pas en Australie mais que s’il reprojette une épreuve en Nouvelle Zélande je ferai le voyage, et un vrai long voyage.
Le lendemain je retrouve l’équipe française, même constat, même conclusion : ca va être dur. Rendez vous pour récupérer les plaques à 18h00, un bon restau avec Ludo. Une claque sur les fesses et dodo… courte la nuit ; les moustiques ont un peu gâché mes jolis rêves
Le jour de course
Je n’ai pas encore parlé de pression. Ben là, ça monte ! Et pas qu’un peu : je suis brouillon, je perds tout, je cherche en permanence…. Stop !!! La fourmilière des participants qui se préparent, l’animation sur notre beau petit stand (encore merci Antho). Je ne remplis pas ma sacoche de cadre de barres, ni de figues séchées, j’oublie de monter ma lampe AV…. cool man !!!
Un petit peu de respi, un peu de concentration et ça repart ! Enfin presque, je croise mon autre gros adversaire Gastao, il était à Penafiel où il a arrêté, ne finissant pas les 24h de 2019. il est gonflé à bloc, son assistance au top, et il enchaîne une série de victoires en Marathon à me rendre jaloux… J’ai oublié de dire qu’Enrico a roulé comme une bête ces dernières semaines, enchaînant les épreuves de gravel les unes derrières les autres… Aïe, ça va être dur.
Le départ
Yess, boum boum, les palpitations du cœur qui montent dans la poitrine, j’allume le compteur et flûte, le cardio ne fonctionne pas, ça commence, ou ça continue… Je retourne au stand, je m’aperçois aussi de l’oubli des barres, vite j’en enfourne deux au pif !!! Plus le temps… Et, bien sûr, je perds ma place en première ligne… J’ai l’habitude, car en Écosse j’avais laissé ma puce de pointage sur le stand juste avant le départ… Hihihi !!!
11h : départ, ou plutôt décollage, ça part vite, super vite, trop vite ??? De la poussière partout, une trace difficile à suivre et c’est quasiment dans les derniers que je boucle ce tour. Mes deux adversaires sont devant, mais où ?
La tactique
Fort de mon expérience réussie de Pierrevert, je décide que le camelbak ou la distance (que je fixe à 100km) détermineront mon premier arrêt. J’enchaine les tours, assez facilement, je dois tourner aux alentours de 32′ au tour (alors qu’en reco c’était 40′). Le premier que je double, c’est Gastao, on papotte, c’est long 24h et on critique le choix d’Enrico d’être parti vite. Les mecs, ça aime bien critiquer des fois, ça doit être bon pour le moral… Pendant quelques tours on se passe et repasse et enfin je passe mon italien quasiment en fin de « tir » de tours. Un petit coucou, il ne répond pas, il est bien enfermé dans sa bulle.
Les 100km arrivent enfin, le camelbak n’est pas vide car, le long du parcours, des points d’eau sont positionnés permettant de s’hydrater. Les petites mains de l’organisation vont m’aider car je vais perdre moins de temps au stand. Cependant c’est la pause, premier arrêt, court, un coup de lubrifiant sur la chaîne, toujours le vélo en premier, une légère collation, plein / complément du camelbak et ça repart. Ça repart avec cette super info : Gastao à 1 tour et Enrico à 2 tours. Pas devant, mais derrière, yess !!!!
Merci mon trop beau Vélo, ce BH est une bombe, il est facile à emmener, pas besoin de pédaler fort pour entretenir la vitesse, je l’aime, ce foutu VTT et je crois que c’est pas fini. Il me rend, lui, toute l’attention que je lui porte, il me parle, nous nous parlons, une belle symbiose…
Rouler jusqu’à la nuit…
… quelque soit la distance. Je remets sept tours, je suis à 170km, le rythme baisse maintenant depuis le dernier tour. Je cogite à mon organisation pour cette nuit, je calcule, je planifie, j’aime planifier et surtout improviser 😊
20h40 : arrêt lampe, info classement, repas. Les écarts se creusent, et je commence à découper ma nuit en « tirs de tours », un premier tir jusqu’à minuit, puis ensuite vers 3h et ensuite au lever du jour, facile, facile, trop facile ?
Le circuit
Et le circuit ? C’est vrai !! C’est con de tourner en rond pendant 24h, ça doit être chiant… Ce circuit, je l’ai découpé en plusieurs étapes dans ma petite tête, la sortie des stands, belle partie tournicotante au possible, puis champs de patate, et le premier faux plat suivi de plusieurs tranchées, il passe entre des murs de séparation de champs. La lumière avant du vélo joue avec les ombres, la poussière dans l’air te dit que tu vas arriver sur un concurrent, ou confirme que tu t’es fait gratter par un de ces monstres qui te doublent à Mach 2, moi qui ne roule qu’à Mach 1. Arrive ensuite l’insipide et long faux plat… que je monterai 32 fois avec la plupart du temps une vitesse finale de 20km/h.
Arrive ensuite un passage dans la ruine, une sono et un jeu de lumière y ont été installés. Ambiance psy.. ensuite le brûlé, on attaque la plus mauvaise (avant la suivante) partie du circuit, la scierie annonce la première des rares montées. S’en suit une longue piste qui deviendra la première partie de repos du parcours. Retour en banlieue de Maçao, et commence pour moi la plus belle partie du circuit, un beau single un peu large pour doubler en sécurité . C’est joueur au possible et toujours envie de profiter de ce cadeau, c’est aussi le seul vrai passage qui comporte de l’ombre.
Ca continue par un passage en ville, montée de la piscine, descente par esplanade centrale, la belle rampe métallique, les trottoirs pavés et retour aux stands par un joli sentier qui amène au dernier coup de cul, là c’est le paradis de la poussière et de caillasse. Ce circuit fut ainsi divisé en zone avec leur petits surnoms…
La nuit
Elle est fraîche (la température chute à 12°), même si la cadence chute elle aussi, elle permet d’enchaîner les tours comme un métronome, sans surprises mais avec quelques oublis dans le parcours (j’ai traversé des zones sans m’en apercevoir, surpris d’être déjà à la ruine…). J’ai mal mangé au relais de minuit, le taboulé ne passe pas, je m’hydrate peu, et je me force à prendre de l’eau au point avant la piscine. Toujours le même bénévole, il est génial, je ne le reverrai jamais de ma vie mais il a participé lui aussi à cette victoire. Et surtout je roule avec d’autant plus de plaisir que je vois le vélo d’Enrico le long de son stand, et qu’à 3h (à la louche) Gastao arrête, car il a mal à une jambe, j’ai une pensée pour lui.
Et donc le jour se lève, magnifique, un soleil qui irradie le ciel comme seul on peut le voir en mer : d’abord un léger halo de lumière, ensuite le contour de lumière jaunâtre qui pousse l’obscurité, suivi du premier jet de luminosité. C’est beau , je kiffe, faut vraiment vivre ça !!!!
La délivrance
Point de banjo pour finir cette nuit, mais un point sur la situation me donne 8 tours d’avance sur mon poursuivant, il doit être 6h20, un rapide calcul (mais pas de tête, il me faudra la calculatrice !) pour comprendre que c’est gagné. Malgré cette pseudo nausée qui est toujours présente.
Cependant j’ai du mal à y croire, le dernier tour a laissé pointer une grosse douleur en bas du dos, et c’est vrai que les champs de patates je les passe debout maintenant car le circuit s’est dégradé. Les zones de freinages sont déformées, bosselées, elles font mal. Je découvre que mes triceps sont douloureux, pétard j’ai des muscles aussi à cet endroit ! La nuit fut intense pour moi, elle fut payante, j’ai maitrisé, disent les potes.
Les potes
Je suis accompagné de Ludovic Brault, un des meilleurs Français en 24h qui bifurque vers les courses de longues distances genre RAF, et de Paulo de Sousa, multiple vainqueur de courses de 24h, tous les deux plus jeunes, plus de km que moi, vélotaffeurs, des gars au top👍
Paulo rencontrera beaucoup de soucis techniques, je le dépasse, il pousse son vélo, je m’arrête pour lui proposer de l’aide, il me vire, conscient que j’ai une course à gérer.. Il a dû changer de vélo, et Ludo que je double pendant la nuit squattera mon camion pour une belle sieste qui sera réparatrice, et lui permettra d’aller chercher le podium en Elite.
Improvisation
Je décide de ne rien lâcher et de n’offrir aucune possibilité à mon suivant. Je roule encore et encore, la vache, mon dos me fait mal encore et toujours, la fin de course va être un calvaire si je m’accroche à mon objectif de 350 km. Et là , miracle, un passage au stand un peu avant 10h me permet de croiser Enrico en peignoir… Yess, il arrête. Arrêt pour moi aussi je suis maso, mais un petit maso… 322km 4400m de D+ c’est pas mal et 19h20 de roulage.. Je me réveille, je sors de ma bulle, c’est pas vrai, c’est fini, j’y suis enfin ! Podium, et à la meilleure place…
Voilà. Je savoure, j’ai une pensée émue et sincère pour tout ceux qui m’ont accompagné pendant cette course, vous ne les connaissez peut-être pas, ce sont pour certains mes plus grands supporters, ils ne sont plus de ce monde. Merci à mon Père, merci à Didier, merci aussi à Helo partie trop tôt, et c’est vrai que vous étiez présents…
Merci à mon club de VTT LUB Pertuis, aux petits messages reçus.
Merci à ceux qui ont partagé le temps de selle avec moi à l’entraînement.
Merci à mon super VTT qui a beaucoup souffert pendant cette course.
Ha ! J’ai failli oublier, malgré toutes nos épreuves, nos doutes et nos peines, la vie est belle !!!!!!! Oh oui, putain qu’elle est belle !!!!
Voilà, maintenant repos 😅. J’ai annulé montanas vacias car il fait trop chaud en Espagne, et j’ai d’énormes problèmes de réseau dans ce pays, je reporte à Septembre. Ou à plus tard, j’ai plein de temps libre…
L’album photo
L’intégrale des photos de l’évènement est ici.